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bergers, d'hier,d'aujourd'hui et de demain
6 mai 2010

bergers d'hier, d'aujourd'hui et de demain.

- La lampe éteinte il ne restait de lumière que le reflet du feu dans l'âtre. Blottis chacun dans notre sac de couchage, nous étions face à face avec le vieux. Son crane dégarni rougeoyait un peu à cause du reflet dansant des flammes. La moustache brillante, blanche comme des fils d'argent s'activait, prète à libérer les lèvres de Victor. Les bras derrière la tête, il me regardait.
"Tu sais, il faut que tu saches que tout n'est pas beau dans notre métier; comme dans tous les métiers je pense, mais il arrivera un jour ou tu devras, si tu continues à le faire, il arrivera un jour ou tu auras le dégoût, parceque quelque chose que tu aimes, qui t'attaches va te quitter! un être humain lui, il parle, s'il le peut il te dira que s'est la fin, qu'il faut en finir! mais un animal ne parle pas aux hommes, il les comprends, les voies et les écoutes. Un jour tu fera comme moi, tu sera obligé d'empècher une bête de souffrir. Cela te surprend hein? mais pourtant il faut passer par là"!
Mes pieds s'entrelassaient machinalement, j'éssayais de me voir dans cette situation, ou il faudrait un jour achever une vache ou une brebis condamnée. Je croyais que çà s'arrétait comme ça, tout seul, car je n'avais jamais vu de prés un animal agonisant; sauf le cochon de noël, que l'on saigne. Mais comme c'est la fête sauf pour lui, on n'y pense pas le contexte n'est pas le même.
"C'est comme pour les porcs ou les agneaux de Pâques lui dis-je?"
" Oui si tu veux, mais là il n'est pas question de faire la fête aprés, je lis dans tes pensées; c'est une question de conscience, tu te retrouves seul devant le drame qui s'est produit, par exemple une chutte dans un ravin et la bête est là, en bas les reins cassés, peut-être ta préférée, mais un berger les aime toutes, tu sent quelle t'appelle, il faut que tu y ailles, descendre dans la ravine, tu la regarde, elle souffle de sa souffrance, elle te dit qu'elle va partir que tu ne la ramèneras pas à l'automne, comme pour les hommes il paraît que la vie défile comme un torrent, pour elles j'en suis sûr s'est sûrement pareil. Alors dans son regard il te faut voir qu'elle t'implore, qu'il ne faut pas la laisser comme ça. Pour ceux qui ont des armes à feu, c'est plus facile je pense, tu ajustes au plus prés de la tête et ... tu tires. Le bruit, la fumée de la poudre et son âcre parfum ne t'on pas fait voir le dernier saut, seuls quelques tremblements, des membres qui s'agitent; une forte odeur de sang, d'urine tiède et s'est fini. Le Guillaume, un vacher qui est mort maintenant depuis longtemps, tellement il trembait qu'il s'était une fois écorché le pied avec sa pétoire qui arrosait un peu partout; nous ici tu le sais on n'as pas de fusil, j'aurais pu prendre celui de mon père, mais je n'aime pas les armes à feu, j'espère que toi aussi, ça rapelle trop la guerre ces mâchins là."
"Mais tu le fais avec quoi toi? avec le couteau de l'étui en bois?"
"Oui, "la gavinette" tu as deviné, celui -ci, je ne m'en sert pas souvent et je souhaite le moins possible; mais on n'a pas le choix. La différence avec le cochon que l'on va manger pendant l'hiver, c'est que lui il crie, il crie tellement que tu t'en rappelles à chaque fois que tu en croques un morceau; l'autre dans le fossé, il ne dit rien ou presque jamais, il n'a même pas peur, il te connais, il sait que tu l'as compris et il attend. Il fermera même les yeux pour les reouvrir quand ce sera fini. Tu lui fera alors la prière des bergers que je t'ai apprise l'an passé. Tu seras dans un monde second depuis le début parceque tu sais d'avance que ce que tu fais, s'est bien. La première fois s'est comme pour tout, s'est pas facile, moi j'en ai vomi, et il ne fallait pas m'inviter à tables pendant quelques repas. Puis on si fait,regarde, le saigneur de porcs, les chasseurs, tout devient habitude. Mais je ne veut pas te dégoûter, pourtant tu as choisi le métier, avec ces bon et mauvais côtés; cette leçon tu t'en rappellera tout le temps."
"Qu'est-ce que tu en penses?"
"J'en pense que je ne sais pas si je pourrais faire, tu me met déjà les larmes aux yeux, t'imagines s'il faut que je saigne Marquise, la Courbe ou la Baîchée, je ne pourrais jamais!"
"J'ai dit pareil, puis je ne me suis plus inquiété, jusqu'au jour ou je me suis retrouvé tout seul, sans François "le ranc" il boitait un peu, à chaque fois il était là, on était deux et puis un jour, il est parti lui aussi, et l'été d'aprés j'ai fini ma première brebis, une qui s'était fait attaquer par des chiens qui rôdent. Mais bon, pour l'instant je suis encore de ce monde, alors je ferai ce que font tous les gardiens de troupeaux dans le monde, accompagner leurs fidèles amis jusque dans les vertes prairies du bon dieu."
Le feu était descendu et seules quelques flammes qui sortaient de la grosse souche en sifflant animaient la cabane. Je repensais à tout ça, je ne dormis pas aussi vite que le berger qui ronflait déjà; je transpirait, j'avais chaud et sorti de mon sac je m'endormis quand même, mais bien tard.

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Commentaires
bergers, d'hier,d'aujourd'hui et de demain
  • Un voyage dans le monde pastoral, montagnes et monde rural. La tradition des gardiens de troupeaux , bergers, vachers. au coeur d'un recueil d'anecdotes ,de contes et de légendes, voici la naissance d'un roman pastoral pyrénéen. Un berger témoigne, depuis
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